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Le Manifeste - N° 7 - Juin 2004
Rwanda
On ne savait pas !
Il y a 10 ans, un million de personnes, hommes, femmes, enfants, bébés, ont été massacrés au Rwanda en l’espace de quelques semaines de folie collective.
Les massacres qui ont eu lieu n’ont qu’indirectement été provoqués par la mort du président Juvénal Habyarimana, abattu alors qu’il revenait avec son homologue du Burundi, Cyprien Ntaryamira, d’un sommet destiné à préparer une transition pacifique au Rwanda.
Un génocide
planifié
Ces massacres avaient été planifiés de longue date sous les
ordres du Hutu Power, mouvement raciste et totalitaire, basé sur la
discrimination.
Des rapports explicites sur la dégradation de la situation des Tutsis au Rwanda
circulaient dès la fin de l’année 1993.
Des listes de Tutsis et de Hutus opposants qui devaient être abattus étaient
affichées ou divulguées par voie de presse. Les milices Interahamwe, nervis de
la présidence, et les Forces armées rwandaises (FAR) encadraient la population.
La radio-télévision des Mille Collines incitait à la haine et désignait les
« cibles » d’attentats et de meurtres.
On a parlé alors de « massacres inter-ethniques » et de « haines séculaires »,
un discours raciste systématiquement appliqué à l’Afrique quand on veut évacuer
des situations de tension politiques, économiques ou sociales.
Complicités
et passivité
La France, la Belgique, les états Unis, l’ONU et le Vatican ont
été complices. La Belgique disposait d’un contingent de Casques Bleus stationnés
à Kigali. Ils ont précipitamment quitté le pays. La France a vendu des armes au
régime d’Habyarimana, n’a pas tenté d’arrêter les massacres alors que son
influence dans les milieux dirigeants était énorme (liens d’amitié souvent
revendiqués entre François Mitterrand et Juvénal Habyarimana). Les
responsabilités de Paris dépassent l’entendement. Les états Unis ont tout fait
pour retarder une éventuelle intervention. Quant au rôle de l’église catholique
au Rwanda, il a été pour le moins controversé à plusieurs reprises. Les Nations
Unies ont réduit leur contingent de soldats. Tout le monde donc s’est désengagé
du drame et personne n’a le droit de dire : on ne savait pas.
La tristement célèbre Opération Turquoise dépêchée par la France 3 mois après le
début des tueries a permis l’exode des génocidaires. L’armée française a refusé
de désarmer les militaires et les miliciens hutus et d’arrêter les responsables
du génocide. La réorganisation de ces criminels au Zaïre leur a permis
d’encadrer les 2 millions de réfugiés qui ont déferlé à l’est du Zaïre, dans le
Kivu. Après avoir appuyé le maréchal Mobutu, soutenu par la France jusqu’à son
renversement par Laurent Désiré Kabila, aidé du FPR à la poursuite des
Interahamwe sur le territoire du Congo, ils ont reconstitué une armée se livrant
au pillage et au meurtre : plus de 3 millions de morts, des victimes congolaises
oubliées elles aussi, dans l’indifférence d’Occidentaux occupés à s’approprier
les richesses d’une région, richesses qui dépassent celles de l’Afrique du Sud.
Un rapport
qui tombe à point
Aujourd’hui, la Belgique, l’ONU et le Vatican ont reconnu leurs
responsabilités dans le génocide au Rwanda. Mais la France reste singulièrement
muette.
Un article du Monde accuse l’actuel président du Rwanda, Paul Kagamé, d’avoir
fomenté l’attentat contre l’avion qui transportait les deux présidents.
Si ces accusations n’exonèrent en rien les énormes responsabilités de la France
dans les tueries de 1994 et dans la perpétuation d’une guerre qui n’en finit pas
en République démocratique du Congo, elles soulèvent bien des interrogations si
elles se révèlent exactes. Elles ne sont pas portées par n’importe qui. La
vision de massacres planifiés commis par les milices Interahamwe soutenues par
la France est battue en brèche par André Guichaoua, un des plus grands
africanistes français, qui n’a jamais fait preuve de sympathie pour le
gouvernement d’Habyarimana et qui a longtemps été favorable au FPR. Il est
expert-témoin auprès du Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPIR). Or il
révèle que le procureur du TPIR, Madame Carla del Ponte, a refusé de verser au
dossier d’instruction en 2002 un rapport établi par des officiers rwandais qui
démontrerait l’implication de Paul Kagamé dans l’attentat du 7 avril 1994 contre
le Falcon 50. L’enquête du juge Bruguières corroborerait ces accusations. Une
controverse qui n’est pas simple et qui entacherait sérieusement l’actuel
gouvernement à Kigali…
Peu d’actions concrètes de réparation en faveur des victimes ont été entreprises
jusqu’à présent, et elles sont souvent le fait d’associations. Par contre, des
discours banalisant la gravité des crimes qui ont été commis et des tentatives
d’occulter la réalité de l’horreur qu’ont vécu les victimes, leurs familles et
les survivants font partie d’un dispositif mis en place pour faire oublier la
passivité dont la communauté internationale a fait preuve, elle si prompte à se
« mobiliser » par ailleurs.
Un long travail pour éradiquer la haine a commencé au Rwanda. Les bourreaux
n’éprouvent pas beaucoup de remords, les témoignages à ce sujet sont glaçants.
Et les parents des victimes sont toujours en proie à un ressentiment bien
compréhensible à l’égard des anciens bourreaux.
Le 30 mai 2004, un communiqué de l’ONU demandait de régler une fois pour toutes
la question des Interahamawe en République démocratique du Congo : dix ans
après, l’histoire est loin d’être terminée !
Marie-Catherine Andreani
Pour en finir avec des pseudo conflits ethniques Hutus et Tutsis recouvrent non pas des réalités de peuplements
différents, ou il y a si longtemps que ces réalités ont été dissoutes,
mais des catégories sociales, voire culturelles. On peut devenir Tutsi.
On peut devenir Hutu. Par jeu de pouvoir ou de hiérarchie dans l’échelle
sociale. Et les couples « mixtes » sont innombrables. Car en fait la
distinction entre Hutus et Tutsis a été arbitrairement décrétée par le
colonisateur belge, qui a désigné une aristocratie féodale chez les
Tutsis, aristocratie décelée par le nombre de têtes de bétail en
possession des individus. Et pour que le schéma soit conforme et
compréhensible, cette aristocratie tutsi ne pouvait que dominer. C’est
ainsi que des serfs n’ont pas échappé à la vigilance des
« observateurs » de l’époque : les Hutus. Ils favorisèrent donc les
Tutsis en leur déléguant l’administration du pays. |
Quelques rappels 1916 : Le Rwanda passe sous mandat
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