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Le Manifeste - N° 7 - Juin 2004
Perspectives économiques et
sociales
Le creux du cycle
La reprise serait-elle à l’ordre du jour comme on tente de nous le faire croire ? Rien n’est moins sûr. Ce dont on peut être certain c’est que la régression sociale ne cesse de s’amplifier.
Raffarin et ses ministres martèlent sans cesse la « bonne nouvelle » : la croissance est de retour. Il est vrai que, depuis quelques mois, un certain nombre d’éléments semblent indiquer que l’économie française commence à sortir du creux du cycle et à entrer timidement dans une nouvelle phase ascendante.
Crise classique
de surproduction
De manière générale, l’économie capitaliste passe par des cycles
de hausse et de baisse de la production. Cependant, si l’étude de l’économie est
bien une science, elle n’est pas pour autant une science exacte et, par
conséquent, il est très difficile de prévoir avec précision l’évolution du taux
de croissance de l’économie d’un pays donné. Toutes sortes d’événements
imprévisibles peuvent exercer une influence sur la vie économique d’un pays, qui
n’évolue pas dans le vide, à l’abri des chocs et des turbulences du monde réel.
Normalement, la baisse de l’activité économique depuis 2001 devrait, à un
certain stade, être suivie d’une nouvelle reprise. Mais le moment du redémarrage
et son ampleur ne sauraient être déterminés à l’avance. Des scandales boursiers,
des guerres, des crises monétaires, des mouvements de grève ou encore des
attentats terroristes pourraient entrer en jeu. Inévitablement, dans ces
conditions, toute prévision concernant l’évolution future de l’économie
française ne peut être qu’hypothétique et approximative.
Ce qui est certain, par contre, c’est que la France connaît depuis deux ans la
plus grave crise de son économie nationale depuis 1974. Globa-lement, l’économie
française ne s’est accrue que de 0,2 % en 2003. Les exportations ont reculé de
1,6 % sur l’année. Le solde du commerce extérieur, qui était excédentaire de
23,8 milliards d’euros en 1997, ne l’était plus que de 2,8 milliards d’euros en
2003. L’investissement a reculé de 2,8 % en 2002 et de 1,8 % en 2003. Le déficit
public s’élève à 55 milliards d’euros. La dette publique cumulée dépassera dans
les mois à venir le seuil de 1 000 milliards d’euros ! La stagnation de
l’économie souligne l’incapacité des capitalistes à développer les moyens de
production.
Fondamentalement, la crise actuelle est une crise classique de surproduction —
ou de « surcapacité ». Face à la saturation des marchés, les ventes baissent et
une partie de l’appareil productif est détruite. Pour protéger les profits des
capitalistes, une politique de casse industrielle de grande échelle a été mise
en œuvre. La liste des entreprises qui suppriment des emplois se rallonge de
semaine en semaine. Le niveau de vie de la vaste majorité de la population est
en baisse. L’emploi précaire se généralise, créant une masse importante de
travailleurs dont la pauvreté les rapproche, en termes de qualité de vie, des
sans-emploi. Globalement, la pauvreté, en France concerne 17 % de la population
active. Sans les « transferts sociaux » tels que les Rmi et diverses
allocations, elle concernerait non pas 17 % mais 24 % de la population active.
Plus d’un million d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Les camionnettes
de la « soupe populaire », associées dans la conscience collective de la
population à la « Grande Dépression » des années 30, sillonnent les villes et
les campagnes du pays. Dans tous les domaines – éducation, santé, services
sociaux, logement, retraites, conditions de travail, pouvoir d’achat des
salariés – les statistiques traduisent la même réalité implacable : celle d’une
société en pleine régression, d’un peuple qui, à l’exception de la classe
capitaliste, se trouve refoulé en arrière par le mécanisme infernal d’un système
au service d’une minorité privilégiée.
Profond
déséquilibre social
Il n’est pas impossible que le rythme de croissance du Pib
accélère modestement au cours de 2004 et 2005. Cependant, le taux de croissance
pour 2004 se situera selon toute probabilité entre 0,5 % et 1,5 %. Dans ces
conditions, le chômage et la désindustrialisation poursuivront leur progression.
Rappelons que même pendant la reprise de 1997-2001, la création de Cdi à temps
plein était quasiment nulle sur l’ensemble de la période, qui a surtout été
marquée par une explosion du travail précaire. Or, le taux de croissance du Pib
était de :
1,9 % en 1997,
de 3,4 % en 1998, de 3,4 % en 1999, de 3,8 % en 2000, avant de tomber à 1,8 % en
2001.
Si la « reprise » se matérialise, elle ne permettra pas d’inverser la
ré-gression sociale. Or, la pression constante que la crise exerce sur leurs
conditions de vie est en train de modifier en profondeur la psychologie des
travailleurs, des jeunes et des retraités. Les capitalistes doivent
impérativement s’attaquer aux acquis sociaux par tous les moyens possibles, et
ceci ne peut que préparer le terrain, à terme, à une série de confrontations
majeures entre les classes. La tentative de rétablir « l’équilibre économique »
du capitalisme ne pourra aboutir sans déclencher l’ouverture d’une époque de
profond déséquilibre social.
Greg Oxley