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Le Manifeste - N° 6 - Mai 2004
Renverser la domination capitaliste
Si le Pcf, à son dernier congrès avait adopté une ligne nationale pour les élections régionales, il n’y aurait pas eu cette position à la carte selon les régions allant de la liste avec le Ps sur ses positions jusqu’à la liste purement communiste sur des positions identitaires. En passant par une liste proche de « Bouge l’Europe » et rassemblant des personnalités du mouvement social – qui pour certaines ne représentent qu’elles-mêmes – avec des personnalités communistes en Région parisienne.
Le Pcf doit
être lui-même
La direction du parti crie victoire parce qu’il y a plus de
Conseillers régionaux communistes élus. Elle met en avant les résultats en
Région parisienne. En réalité, les choses sont plus contrastées que cela. Un
nombre important de Conseillers régionaux ont été obtenus dans le cadre d’une
alliance dès le premier tour avec le Ps sur son programme. Ce qui est
intéressant dans le résultat de quelques régions, en particulier dans le Nord et
la Picardie, c’est que sur une base identitaire qui les faisait apparaître comme
communistes, ils sont en bonne position par rapport aux présidentielles. Se
présenter avec l’identité communiste ne fait pas reculer le score du Pcf, au
contraire. Quant à la Région parisienne, on n’atteint pas un résultat si
mirobolant. On est en recul par rapport à la dernière fois où nous nous sommes
présentés seuls. Sur Aubervilliers, par exemple, aux Régionales de 1992, on
avait fait 31 % et le Ps 9 %. Aujourd’hui la liste gauche populaire et citoyenne
fait 19 %, la liste Ps et Vert fait 33 %. On mesure bien que ce n’est pas
vraiment une avancée du Pcf. Cette tendance est visible quand on regarde les
résultats de plusieurs cantons en Seine-Saint-Denis. Le Pcf perd six sièges même
s’il en gagne un et le Conseil général a failli basculer à une voix près.
Le Parti communiste doit être lui-même et être sur des positions de classe, des
positions communistes. Les gens ne perçoivent plus le Pcf comme leur apportant
quelque chose, qui les aide à progresser, à les défendre et en même temps
refusent les mauvais coups. Pour l’élection européenne qui arrive,
l’argumentation de la direction du Pcf est sur le principe d’une Europe non
libérale. Je ne crois pas que ça parle aux travailleurs qui sont sous le coup de
licenciements, des conséquences des directives de la commission européenne. Le
Ps aussi se dit antilibéral.
Sortir de Maastricht
À aucun moment, la direction du Parti n’avance de
propositions tendant à remettre en cause Maastricht. 80 % des lois françaises
d’aujourd’hui sont inspirées par les directives européennes, les économies
européennes sont imbriquées. La direction du parti laisse pourtant entendre
qu’il y aurait impossibilité de continuer à construire une Europe qui se veut la
plus sociale possible. On touche au cœur du problème. Ce n’est pas en réformant
la société ou la construction européenne qu’on débouche sur un changement de
société. C’est en étant sur des positions de rupture avec cette société. Le mot
d’ordre appelant à sortir de l’Europe de Maastricht est possible. La monnaie
unique qui était soi-disant incontournable n’a pas cours en Grande-Bretagne. Il
existe donc bien des possibilités. Notre pays ne serait pas malade de sortir de
Maastricht, au contraire, il se soignerait des mauvais traitements que lui
infligent les directives. Comme par exemple, les directives sur l’électricité
qui vont libéraliser le marché de l’électricité. Directives approuvées à
Barcelone par Chirac et Jospin au nom de la gauche plurielle. Aucun des
ministres communistes de l’époque ne s’est désolidarisés de ces décisions qui
mènent à la privatisation d’Edf. Mieux, aujourd’hui des élus, des maires
communistes responsables d’organismes s’inscrivent dans la recherche d’appels à
la concurrence.
L’élargissement de l’Europe est un des autres points révélateurs. La direction
du Pcf se réjouit de cet élargissement et dit oui à l’entrée du peuple tchèque
dans l’Europe maastrichienne alors que le Parti communiste tchèque a, seul dans
ce pays, appelé à voter non. Un non qui a rassemblé 30 % des voix. Le Parti
communiste tchèque refuse que son peuple soit sous le joug colonial du traité de
Maastricht. La position du Pcf aujourd’hui est contradictoire avec un non
confirmé à Maastricht. Ce qui motive d’ailleurs le refus du Pc tchèque de
s’inscrire dans le cadre d’un parti de la gauche européenne.
La question du contenu est toujours incontournable y compris pour la
construction du parti de la gauche européenne. Est-ce un hasard si les quatre
partis qui s’apprêtent, aux côtés du Pcf, à créer ce parti, ont tous approuvé
Maastricht. Quelle est l’utilité d’un parti de gauche sur ces positions ? Si la
question était de constituer une force communiste européenne sur des bases de
classe pour faire échec à l’Europe du capital, alors je dirais oui tout de
suite. La Gauche communiste du Pcf s’est d’ailleurs depuis longtemps prononcé
pour la constitution d’une nouvelle internationale. Pas une internationale
centralisatrice qui déciderait de tout mais un lieu démocratique où les
communistes, les progressistes du monde pourraient échanger, coordonner leurs
actions et lutter contre l’impérialisme. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit
puisque cette création se fait dans le cadre de directives européennes suscitant
la création de partis européens financés pour peu qu’ils se situent dans le
cadre défini par l’Europe.
La question centrale pour les marxistes qui est celle de la question des
réformes et de celle de la révolution est posée sur de nouvelles bases mais
reste sur le fond la même qu’au début du XIXe siècle. Il faut s’attaquer à la
logique capitaliste et aider notre peuple à renverser la domination capitaliste
dans notre pays. Sur ces bases-là, on pourra construire avec d’autres une autre
Europe réellement socialiste tournant le dos totalement aux traités de
Maastricht, Amsterdam et Nice.
Jean-Jacques Karman
Propos recueillis par
Patricia Latour