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Le Manifeste - N° 6 - Mai 2004
Réforme de la couverture santé
Un petit air de déjà vu
Si la réforme qui se prépare est très complexe, les arguments invoqués pour casser l’assurance maladie et la réduire à une caisse de secours pour les plus démunis sont éculés.
En préambule, un petit rappel historique n’est peut-être pas
inutile. Le patronat français n’a jamais accepté le principe d’égalité d’une
sécurité sociale pour tous, imposée à la Libération par le Conseil national de
la Résistance. La résistance du patronat, dans ce domaine précis, n’a, quant à
elle, jamais faibli, appuyé par les mutuelles et les assurances qui y ont vu à
juste titre un manque à gagner.
Dès 1948, le patronat a commencé à dénoncer le coût trop élevé de la couverture
maladie, le gaspillage qui en était fait, et son corollaire, l’absentéisme. Et
les différents gouvernements qui vont se succéder vont multiplier les attaques
contre la Sécu.
Une réforme sans surprise
Pour établir les multiples diagnostiques de la maladie
chronique de la Sécurité sociale, son déficit, les commissions, qui elles aussi
vont se succéder, concluent toutes à la nécessité de la baisse des
remboursements et à l’augmentation des cotisations salariales.
La loi de financement de la Sécurité sociale en gestation ne déroge donc pas à
la règle : augmentation du forfait hospitalier, baisse ou « déremboursement » de
prestations, contrôle accru des arrêts maladie, limitation de l’accès au
remboursement à 100 %, augmentation des cotisations des mutuelles et des
assurances. Au nom du principe de réduction des dépenses de santé, le nombre de
médecins a été réduit, ainsi que le nombre de pharmacies, de lits d’hôpitaux, et
le nombre des infirmières. Moins d’offres, moins de malades, donc moins de
dépenses ! Ce n’est hélas pas une boutade, puisque cette politique du numerus
clausus est suivie depuis environ 25 ans (voire Le Manifeste n°4), politique qui
a conduit à la fermeture de nombreux petits établissements hospitaliers ces
dernières années, dont les maternités.
Payer plus
pour être moins remboursés
Selon le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie,
les sommes à la charge des assurés resteraient relativement faibles. D’où l’idée
d’augmenter aussi le coût des soins, non seulement à la caisse de la Sécu, mais
aussi à celles des pharmacies, des hôpitaux, des laboratoires. Pour parvenir à
l’équilibre de l’assurance maladie en 2020, il faudrait selon les projections du
gouvernement, soit doubler le taux de Csg, soit diminuer de 21 % le taux de
remboursement actuel qui passerait de 76 à 55 %.
De toute façon, la recette est simple : toujours plus cher pour le consommateur
qu’est devenu le malade. On a affaire à un domaine « marchand » comme un autre.
On se demande pourquoi plans et commissions, puisque, au bout du compte, la
recette, sans jeu de mot, reste la même !
Et les dépenses de santé ne peuvent qu’augmenter dans une société développée où
l’espérance de vie s’est considérablement allongée. On ne peut pas chaque année
compter sur un été de canicule pour résoudre une partie du problème.
Quant à la concertation annoncée concernant la réforme qui se prépare pour le
début de l’année 2005, elle se réduit à discuter des moyens à mettre en place
pour organiser le transfert d’une partie des dépenses de santé vers les
mutuelles, (qui ont prévu une augmentation d’environ 10 % de leurs tarifs en
2004), et vers les assurances. Mutuelles et assurances sont en train d’établir
des grilles destinées à cerner les « risques encourus », non pas pour les
éventuels malades, mais pour elles-mêmes ! « Risques » calculés en fonction de
l’âge des souscripteurs, de leurs moyens financiers, de leurs habitudes de vie,
de leurs antécédents héréditaires, etc.
Il y aura des soins minima cofinancés par le régime général de la Sécurité
sociale et par des mutuelles. Les autres soins seront couverts par des
assurances « surcomplémentaires ».
L’exonération des cotisations patronales de certaines grandes entreprises,
exonérations qui n’ont pas cessé d’augmenter, pèse très lourd dans le déficit de
la Sécurité sociale.
Des pistes
pour « sauver »
l’assurance maladie
Il serait donc judicieux de taxer les revenus financiers des
entreprises qui échappent aux cotisations sociales, et de favoriser plutôt les
entreprises qui embauchent en baissant leurs cotisations. Les firmes
pharmaceutiques coûtent cher dans les dépenses de santé, et le gouvernement
vient de leur donner la liberté de fixer les prix des nouveaux médicaments, le
plus souvent ceux utilisés pour les pathologies lourdes (cf. Le Manifeste n°4).
Une mesure qui revient cher à tout le monde.
Et que sont devenus les énormes fonds que représentent les taxes sur l’alcool,
sur le tabac, l’automobile, (vache à lait du contribuable), taxes « prélevées »
pour « renflouer » la Sécurité sociale ?
Le chômage a bel et bien entraîné un manque à gagner pour l’assurance maladie.
Ces dernières années, la remontée du nombre des chômeurs n’a pu que jouer dans
le versement de cotisations qui ont manqué aux caisses, alimenté les déficits,
suscité des politiques d’austérité, qui elles-mêmes ont entraîné une baisse de
la consommation, baisse qui à son tour asphyxie la croissance.
Quant aux dépenses de santé tant récriées, elles font surtout partie du volet
« création d’emplois ». Dans les hôpitaux, les laboratoires, la recherche,
l’industrie pharmaceutiques, et auprès des malades ou retraités maintenus à
domicile et à tous les emplois induits que ce type d’immobilisation et d’aide à
domicile représentent : médecins, infirmières, kinés, aides soignantes, aides
ménagères, ambulanciers ou chauffeurs de taxi, coiffeurs, toiletteurs pour
chiens et chats, manucures, cuisiniers, livreurs, personnels de mairie, du
conseil général, de région, d’associations, etc.
Marie-Catherine Andreani