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Le Manifeste - N° 5 - Avril 2004
La grenouille aérophage
Dans son inamicale OPA pour avaler Avantis qui est bien plus
gros que lui, Sanofi n’a-t-il pas les yeux plus grands que le ventre ?
Le cannibalisme, pratique normale du nouveau capitalisme, symptôme actuel de la
maladie mortelle des capitalismes de tous les temps : la baisse tendancielle du
taux de profit, pathologie qu’aggrave encore la boulimie des actionnaires
exigeant des retours sur investissement usuraires. Pour les satisfaire, les
entreprises ont fouillé davantage dans la spéculation que dans le marché,
chouchoutant leurs services financiers plus que leurs bureaux d’études.
Ce n’est pas sans conséquence.
Pour impressionner son adversaire, Sanofi fait état d’un trésor de guerre de
cinquante milliards prêts à s’investir dans son raid. Pour amasser tant d’argent
sur le dos de la souffrance et de la mort, il faut que soit mal maîtrisée la
formation du prix du médicament et, alors qu’il accuse les malades d’être des
maniaques de la piqûre ou du suppositoire, ne pourrait-on pas suggérer au serial
killer de la canicule, qu’à l’heure où il nous mitonne dans le silence feutré de
son ministère une « réforme » meurtrière de notre Sécu, il procède d’urgence à
la nationalisation de l’industrie pharmaceutique. Dans l’immédiat, de toute
cette masse d’argent sale promise au gâchis de la spéculation financière, ne
pourrait-on pas combler le déficit cumulé de l’assurance maladie dont elle
provient, puisque le hasard des chiffres fait, à quelques centimes d’Euro près,
s’égaliser les deux sommes ?
Mais il est possible que la grenouille Sanofi qui veut se faire plus grosse que
le bœuf Avantis n’ait pas le premier liard de ce magot, que tout cela ne soit
que spéculation, promesse, bluff, de l’argent virtuel et que crève en baudruche
la grenouille aérophage. L’orgueilleuse championne n’était qu’un gros pet qui
s’évanouissait dans l’infecte puanteur des gâchis, des ruines et de la misère
que provoquait sa déconfiture annoncée.
Bernard-G. Landry