le monde va changer de base

Le Manifeste - N° 4 - Mars 2004

 

"Le Parti communiste japonais"
Un élément créatif

De retour du japon, Bruno Drweski présente les activités du Parti communiste japonais.

Le Parti communiste japonais (PCJ) existe depuis plus de 80 ans. Après la seconde guerre mondiale, il a joué un rôle important dans la défense des droits des travailleurs et contre l’occupation du Japon par les USA. Il a soutenu résolument l’indépendance nationale et l’antimilitarisme. Il a subi sous l’occupation étasunienne une dure répression, la presse japonaise étant alors soumise à une censure plus dure qu’avant la guerre, puisqu’on a alors cessé de signaler les coupures effectuées par les censeurs, ce qui était le cas précédemment. Après la fin officielle de l’occupation, en 1952, le PCJ a dû encore longtemps se battre pour obtenir le droit d’agir librement.
Au moment du conflit sino-soviétique, le PCJ a d’abord rompu ses relations avec le PCUS, puis avec le PC chinois et finalement avec le Parti du travail de Corée. Il a dans ce contexte développé une analyse critique du « socialisme réel ». Depuis quelques années, le PCJ a rétabli ses contacts avec le PC chinois tout en poursuivant ses relations avec les PC du Viêt-Nam et de Cuba.

Le PCJ et l’URSS

La position originale prise par le PCJ sur les différents États socialistes, explique en partie pourquoi ce parti n’a pas connu de crise au moment du démantèlement de l’URSS. Il a alors au contraire considérablement augmenté son influence lorsque la société japonaise a connu la grave crise économique de 1998. Le PCJ a, dans les années 1990, obtenu des résultats électoraux impressionnants, obtenant 16 % des voix alors qu’il avait démarré avec le score très bas de 3 % dans les années 1970. La crise sociale et économique et l’essor du PCJ ont amené les cercles de la haute finance japonaise à envisager une modification des structures politiques japonaises devant aboutir à l’émergence d’un système bipartisan d’alternance sans alternative. À côté du Parti libéral-démocrate qui gouverne presque sans interruption le Japon depuis la guerre, on a donc vu émerger un parti concurrent, le parti démocrate, formé à partir de dissidents du parti gouvernemental, de sociaux-démocrates et de quelques autres membres d’autres petites formations. Beaucoup de Japonais ont vu dans l’apparition de ce parti comme un moyen permettant pour la première fois depuis 1945 d’assister à un « changement » politique. Les programmes des deux principales formations en lice sont cependant peu différents. Elles approuvent toutes les deux les dogmes libéraux de base et considèrent que la « protection » et l’occupation du Japon par les USA n’est pas discutable. Le style du Parti démocrate peut toutefois sembler un peu plus à gauche, ce qui explique pourquoi, lors des dernières élections à la Diète, le 9 novembre 2003, une partie importante de l’électorat flottant qui votait jusque-là pour le PCJ s’est rangée derrière les candidats du Parti démocrate. Sur la liste nationale en revanche, basée sur le vote proportionnel, le nombre de voix accordées au PCJ a même un peu monté (7,76 % soit 4,48 millions de voix contre 7,91 % en 2001 mais avec 4,38 millions de voix). Globalement toutefois, en comptabilisant et les voix accordées à la proportionnelle, et celle accordées dans les circonscriptions, le PCJ a perdu beaucoup car il a baissé en voix et est passé de 20 députés à 9.

23e congrès

Ces élections ont confirmé le fait que les classes dominantes japonaises cherchent à verrouiller le système social existant pour empêcher la remise en cause des fondements du système capitaliste par la voix démocratique et liquider de fait le pluralisme politique. Lors des dernières élections, le PCJ a été presque le seul parti qui a combattu le principe d’une révision constitutionnelle et l’augmentation de la TVA. Les élections ont en plus été convoquées soudainement, ce qui a favorisé les partis favorables au système, qui n’ont pas laissé le temps aux autres partis de développer des propositions alternatives. Pendant cette campagne électorale très courte, le PCJ a tenté de lancer un débat sur la sécurité sociale, sur le chômage (dépassant officiellement le taux de 5 %), sur la défense de l’agriculture japonaise et contre l’occupation de l’Irak. Les résultats électoraux ont montré que le PCJ était parvenu à garder son électorat de base acquis dans les années 1980-1990. Il estime toutefois qu’il devra mettre l’accent sur le développement de sa presse, de ses influences en milieu syndical et associatif s’il veut être considéré comme un instrument crédible. Le PCJ a réuni son 23e congrès en janvier 2004 et se prépare depuis aux élections sénatoriales de l’été 2004.

Le PCJ
et le socialisme

Le PCJ possède une très forte tradition d’analyses théoriques. Selon le PCJ, le démantèlement de l’URSS n’a pas signifié la fin d’un État socialiste mais la fin d’un État autoritaire et hégémonique. Le PCJ analyse avec beaucoup d’intérêts le développement de la situation en Chine et au Viêt-Nam où il trouve qu’il existe au sein même des forces au pouvoir et dans la société une concurrence entre une logique néo-capitaliste et le maintien de l’influence de cercles voulant développer le secteur coopératif, l’égalité sociale et l’internationalisme.
Pour le PCJ, les systèmes de type soviétique n’ont rien de commun avec le socialisme. Le socialisme doit préserver et développer les réalisations progressistes fondamentales réalisées pendant l’ère capitaliste et doit tendre à éliminer l’exploitation en dépassant le principe selon lequel le bénéfice constitue le critère fondamental d’efficacité sociale. Les activités du PCJ vont aussi dans cette direction, en particulier ses contacts avec les institutions politiques et scientifiques chinoises. Le PCJ reconnaît qu’il éprouve beaucoup de difficultés à faire partager par les autres partis communistes asiatiques son attitude unilatéralement négative envers les systèmes de type soviétique.
Le PCJ accorde une importance considérable à l’étude des résultats de la « révolution informatique »  devant permettre d’élaborer une voie vers un futur système socialiste puis communiste efficace et moderne. Ce système devra s’appuyer sur le droit démocratique existant dans le capitalisme et développé principalement grâce aux luttes des forces progressistes. Il considère qu’il devra aussi rendre possible la naissance d’une société basée sur la libre association des travailleurs dans le processus de production et de contrôle de la production. Pour l’heure, le PCJ travaille à bâtir au Japon un large front démocratique empêchant l’émergence d’un système bi-partisan quasi-dictatorial d’alternances sans alternative. Le PCJ estime que le capitalisme ne correspond plus aux besoins de développement du monde contemporain, ce que démontrent la multiplication des crises financières, la dégénérescence de l’environnement et la montée de la polarisation entre les pays du Nord et du Sud. Dans cette situation, seule la création d’un système socialiste, est en état de résoudre ces défis.
Le PCJ combat activement l’impérialisme US, l’occupation de l’Irak et la remilitarisation du Japon. Il constitue donc un parti ayant une forte tradition qui pourrait apporter un élément créatif dans la reconstitution d’une pensée et d’une stratégie révolutionnaire internationale.

Bruno Drweski