le monde va changer de base

Le Manifeste - N° 4 - Mars 2004
en vrac

 

Forum social mondial de Mumbai
De forum en forum

De forum en forum, de contre-sommets en conférences, le mouvement altermondialiste n’en finit plus de se mettre en scène. Sans beaucoup de résultats. Le capitalisme continue à marche forcée sa conquête de la planète, qu’on l’appelle mondialisation, globalisation, ou internalisation des marchés. Exit l’impérialisme !

La quatrième édition du Forum Social Mondial s’est tenue du 16 au 21 janvier 2004 en Inde, à Mumbai, anciennement Bombay, appellation du colonisateur britannique.
Le FSM a rassemblé des milliers de participants, militants d’associations, syndicats, partis politiques, personnalités, parlementaires, étudiants, paysans, intellectuels. Un autre monde est possible pour ces prix Nobel, ces ONG, ces leaders d’opinion accrédités et financés par la Banque mondiale ou la Fondation Ford, comme l’ont fait remarquer certaines mauvaises langues.

Programme chargé

Ils se sont rassemblés dans un pays où les effets des politiques de la Banque mondiale, justement, se font cruellement sentir : dans certains quartiers des grandes villes indiennes le taux de mortalité atteint 30 %, les pauvres se suicident pour échapper à la misère. La majorité des anciennes industries textiles et métallurgiques ont presque toutes disparu. Bogota ou Mexico auraient des airs de campagne comparés à Mumbai. Des participants africains ont trouvé que ce qu’ils voyaient dépassait de loin la misère de leurs pays respectifs !
Le programme de cette quatrième mouture du FSM était chargé. Des centaines de séminaires, des ateliers, des conférences, des prises de parole, ainsi que des rassemblements et tout un programme de manifestations culturelles, sans compter les stands prévus.
Cinq grands axes thématiques ont marqué le Forum : globalisation et impérialisme ; militarisation et paix ; fanatisme religieux et violence sectaire ; racisme, système de castes, travail et exclusions, discriminations basées sur la lignée ; patriarcat.

Mumbai Résistance 2004

Mais l’événement a été créé par la tenue en parallèle de ce très « institutionnel » FSM d’un forum alternatif Mumbai Résistance 2004 (MR 2004), plus que critique quant à la monopolisation altermondialiste des participants au Forum. « Ceux qui sont au Forum, ont-ils dit, participent à la globalisation libérale : Lula au Brésil, le Parti communiste d’Inde dans l’État du Bengale, ATTAC en France qui veut taxer les capitaux financiers ».
Mumbai Résistance, à quelques centaines de mètres du Forum, rassemblait 10 000 personnes, militants de base, paysans, ouvriers, dont le discours était résolument anti-impérialiste et convaincu que la globalisation ne peut pas être humanisée. 300 organisations étaient représentées. L’écrivain Arundhati Roy était invitée, cautionnant Mumbai Résistance. Arundhati Roy est connue pour ses écrits et ses prises de position contre le terrorisme, le nucléaire, le projet de construction d’une trentaine de barrages qui provoqueront l’exil de milliers d’habitants et de paysans de la vallée de la Narmada. KRRS, équivalent indien de la Confédération paysanne, membre de Via Campesina, a rejoint les débats à ciel ouvert organisés par MR 2004.
Il s’agissait d’écraser l’impérialisme et de construire un monde des peuples, d’intégrer aux discussions des groupes militants, telles les guerillas de libération sud-américaines ou népalaises. Un petit air « mao » peu apprécié des organisateurs officiels, des commentateurs ou des médias. La programmation de MR 2004 portait sur l’impact des politiques de déréglementation sur l’économie des pays, le désarroi des petits paysans que ces mesures impliquent, sur la globalisation, la situation des femmes, la guerre contre le terrorisme et les guerres impérialistes, le rôle de la classe ouvrière, l’impérialisme et la question nationale.

Guerre
et occupation
de l’Irak

Traversant les débats qui se sont tenus dans les deux forums, le thème de la guerre et de l’occupation de l’Irak ont été abordés. Le Tribunal mondial des femmes sur les crimes de guerre des Etats Unis a attiré de nombreux participants. Parmi les membres du jury, on a remarqué l’ancien ministre US de la Justice Ramsey Clark, et Dennis Halliday, ancien directeur du programme pétrole contre nourriture en Irak.
« Il est facile de continuer à discuter de ceux qui se trouvent derrière la résistance irakienne. Mais au lieu d’en parler, nous devons nous-mêmes devenir la résistance irakienne. Les soldats qui refusent le service, les travailleurs qui refusent de charger et décharger les armes dans les avions et les navires. » a dit Arundhati Roy, des pratiques qui, si ma mémoire est bonne, ont été celles de militants communistes français.
Ce quatrième Forum a largement débordé les participants et les organisateurs du FSM. De la même façon, il n’a rien eu à voir avec le très sélect et coûteux FSE de Saint-Denis où la rue n’était pas au rendez-vous, ni les travailleurs, les chômeurs, les précaires ou les simples militants.
À Mumbai tout au contraire les paysans indiens, les Intouchables ou les associations d’ouvrières se sont déplacés, mettant parfois plusieurs jours pour arriver, manifestant spontanément dans des cortèges bruyants, alors que les salles de conférence restaient vides.

Marie Catherine Andreani

EN VRAC


Vallée de la Narmada
Gigantesque plan d’aménagement de la vallée de la Narmada en Inde, financé par la Banque mondiale : construction de 30 grands barrages qui submergeront 350  000 hectares de forêts et 200 000 hectares de terres cultivées et chasseront plus d’1 million de personnes de leur lieu d’existence. Un barrage gigantesque, Sardar Sarovar, est déjà en partie réalisé. Ce projet s’inscrit dans une politique globale d’investissements massifs qui ne tient compte ni des populations, ni des opinions publiques, ni des catastrophes humanitaires et écologiques provoquées par ce type de réalisations. Les exemples ne manquent pas. Les éléphants blancs ne sont pas en voie de disparition…

Via Campesina
Mouvement paysan international composé de petits et moyens agriculteurs, de travailleurs agricoles, d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. Sa création remonte à 1992 dans le cadre du Congrès de l’Union nationale des agriculteurs et éleveurs qui avait invité à Managua divers dirigeants d’organisations paysannes du monde entier. Via Campesina organise son travail autour d’axes d’actions syndicales, politiques, économiques, technologiques, etc. et se réunit tous les 3 ans.
KRRS
Membre de Via Campesina c’est un mouvement composé de fermiers indiens de l’Etat de Karnataka. Il est né de l’initiative de 5 personnes qui donneront naissance à cette association en 1980. Il regroupe aujourd’hui environ 10 millions de personnes, mais son influence va au delà de ce chiffre. Son objectif est de réaliser une « République de villages », une forme d’organisation sociale, politique et économique basée sur la démocratie directe.

Le Tribunal mondial des femmes
Ce Tribunal est né du Conseil des femmes d’Asie pour les droits humains qui a organisé avec d’autres groupes 7 tribunaux dans la région du Pacifique asiatique. Les Tribunaux asiatiques des femmes ont étendu leurs compétences des violences domestiques aux violences des trafics d’êtres humains, l’enlèvement, le meurtre, l’excision, la féminisation de la pauvreté, la guerre, le développement, le nucléaire, les droits à la terre.
Le premier Tribunal mondial des femmes contre la guerre s’est tenu à Cape Town en Afrique du Sud, en mars 2001. Il s’est concentré sur le changement des guerres de ce siècle : technologies de plus en plus « performantes », utilisation du nucléaire, constat que ces guerres modernes ont lieu en temps de paix, que ce sont des guerres de colonisation, des guerres de racisme, de globalisation, des guerres contre les cultures et les civilisations.