la terre n'appartient qu'aux hommes

Le Manifeste - N° 4 - Mars 2004

 

Et pendant ce temps, Raffarin décentralise
Désert industriel

La désertification industrielle se poursuit un peu partout en France. Alain Job, responsable syndical et associatif parle ici des derniers événements dans l’Aude. Les deux dernières usines locales, Formica et Huntsmann s’apprêtent à fermer leurs portes.

Quillan est une petite ville à 50 km au sud de Carcassonne. Le 18 Décembre dernier, 1 500 personnes y manifestaient leur opposition, mais aussi leur désespoir. Les deux dernières usines locales : Formica et l’entreprise chimique Huntsmann vont prochainement fermer. Avec respectivement 150 et 40 emplois.
La Haute Vallée de l’Aude tient d’une longue tradition industrielle qui remonte à la fin du XIXe siècle, certains bourgs comptant à l’époque plus d’ouvriers chapeliers qu’ils n’ont aujourd’hui d’habitants. À présent, ce secteur a quasiment disparu. Il est submergé par des importations provenant du Brésil. Le début du XXe siècle a été marqué par l’arrivée de la chaussure avec le rôle de la famille Riu et deux entreprises marquantes : Myris et Chausseria. Au total, plus de 2 000 salariés. Dans les années 50, Formica s’installe.

Le moyen
de gamme

Si le produit est connu, l’entreprise est plus discrète. C’est une multinationale américaine. Elle a bénéficié à l’époque d’aides d’état considérables.
Depuis les années 1990, la chaussure souffre d’une politique systématique de délocalisation. Certes, le groupe parlementaire PCF et les sénateurs socialistes avaient élaboré une proposition de loi « anti-délocalisation », mais le gouvernement Jospin n’a pas daigné la soumettre au débat du Parlement. En particulier, les importateurs depuis le Portugal et surtout l’Italie seraient en infraction permanente avec les règles communautaires. Ces pays de l’Union européenne jouent un rôle majeur sur le marché. Pour les syndicalistes, l’avenir ce peut être une inscription dans le moyen de gamme. Outre le savoir-faire et la capacité de création, il y a sur place une réactivité et une capacité de réassortir rapidement les stocks qui ne sont pas à la portée des importateurs. Les syndicats estiment à quatre collections à perte le temps qu’il faudrait tenir pour cette reconversion de l’outil industriel. Ceci passerait par un soutien des pouvoirs publics. Telle n’a pas été l’attitude du gouvernement qui a notamment laissé passer des sommations de paiement pour dettes sociales.
Là-dessus, la fermeture de Formica est un coup de grâce pour la vallée mais aussi pour le département de l’Aude. La fermeture de la mine d’or de Salsigne y a été décidée en 2001, la dernière entreprise industrielle notable est un sous-traitant des activités nucléaires d’EDF à Narbonne. Outre la fermeture de Formica, celle de Huntsmann constitue typiquement un licenciement boursier. L’audit commandité par le Comité d’entreprise. conclut à la rentabilité de l’entreprise. Quant à Formica, c’est peut être le quinzième plan social d’une entreprise qui comptait en 1970 1 100 salariés. Cette multinationale américaine compte 7 usines en Europe. Des réductions de production ont été effectuées dans chaque usine notamment en lien avec le rachat d’un gros concurrent espagnol. La Formica-corporation ne s’est pas positionnée sur l’utilisation du savoir-faire local et son effort de création est demeuré limité.
L’unité de Quillan est une entreprise jeune employant des salariés qualifiés… et pour cause car toutes les possibilités de préretraite ont été épuisées lors des précédents « plans sociaux ». Mais l’attitude des pouvoirs publics part de l’acceptation de la casse industrielle. Avant même que le CE se soit prononcé sur la fermeture, un comité de pilotage était en place pour organiser des « reclassements ». Or, ce n’est pas aux deniers publics de payer le plan social.

Dommage que les tomates
ne poussent pas en janvier

La Cgt se bat pour le maintien des deux entreprises. Fo est prête à négocier. Quant à la droite et au P.S., ils parlent de redynamisation de l’économie locale et ont donc fait une croix sur l’emploi industriel existant. Le PCF parle de « réindustrialisation ». Il n’y a pas d’opposition claire à la fermeture alors que la position juste, c’est le maintien de l’activité et de l’emploi. Derrière, ce sont évidemment tous les services privés et publics qui vont trinquer. Les pouvoirs publics se félicitent du maintien du nombre de chômeurs. Ils oublient d’ajouter que c’est dans un contexte de baisse de la population.
En janvier, nouvelle donne avec la campagne électorale des régionales. Isabelle Chesa, vice-présidente sortante (Droite-Fn), déclare dans L’Indépendant des 19 et 22 janvier dernier « Le conseil régional n’intervient pas dans la gestion des plans sociaux, mais Jacques Blanc est déjà intervenu à plusieurs reprises auprès du ministère de l’Industrie ». Quant à la liste de gauche courageusement baptisée « Union toute », elle s’attachera à mettre en place un équilibre entre le rural et l’urbain mais ses leaders iront aussi tenir meeting à Quillan. Dommage que les tomates ne poussent pas en janvier !

Olivier Rubens