debout les damnés de la terre

Le Manifeste - N° 4 - Mars 2004
à savoir

Une nouvelle attaque contre la santé publique
"Hôpital 2007"

Le 22 janvier dernier, à l’appel de sept syndicats, les personnels de santé des hôpitaux publics ont mené une journée d’action nationale. Elle s’inscrivait dans la lutte contre la réforme « Hôpital 2007 » proposée par le ministre de la Santé Jean-François Mattei, et plus largement, dans la lutte pour préserver le système de santé publique.

Avec l’application du plan « Hôpital 2007 », la réforme du système hospitalier entreprise en 1995 par Alain Juppé devrait trouver son aboutissement. En effet, « Hôpital 2007 » ne vise ni plus ni moins qu’à ouvrir totalement le système hospitalier français au secteur privé.

Juppé, déjà...

Sous couvert de « maîtrise des dépenses de santé », les mesures instaurées par Alain Juppé en son temps donnaient un cadre réglementaire, administratif et financier, au projet de réforme du système hospitalier. Elles ont permis le blocage des budgets annuels de fonctionnement des hôpitaux, la suppression des petits établissements jugés non rentables, la fermeture de lits, l’ouverture des locaux des hôpitaux publics à des services privés, etc. Le gouvernement socialiste en cinq ans n’a pas donné de coup d’arrêt, au contraire. La ministre Martine Aubry s’est attachée à poursuivre la politique de son prédécesseur, s’attaquant, elle, à la « maîtrise des dépenses de santé ».

Dégradation
des conditions
de travail

En 10 ans, les salariés des hôpitaux publics ont vécu une dégradation sensible de leurs conditions de travail. Il faudrait aujourd’hui 15 000 infirmières et 3 000 médecins supplémentaires pour assurer un fonctionnement normal des services. Ce n’est pas sans conséquence sur l’accueil des patients. Le lamentable épisode de la canicule de l’été 2003 l’illustre parfaitement : ce ne sont ni les médecins – accusés d’être partis en vacances sans prévoir de remplaçants (sic !) – ni la RTT qui peuvent expliquer la mort de 15 000 personnes, mais bien la dégradation du système hospitalier. Face à un problème de santé publique, à force de restrictions budgétaires, de « restructurations » et de manque de personnel, l’hôpital public s’est retrouvé impuissant.
C’est dans ce contexte que Jean-François Mattei a fait avaliser la réforme « Hôpital 2007 ». Respectant comme à son habitude la représentativité des « partenaires sociaux », le gouvernement s’est contenté le 15 janvier 2004 de la signature de deux syndicats sur quatre, les deux syndicats qui ont refusé de signer le texte représentant 75 % des médecins…
« Hôpital 2007 » comprend de multiples volets.

Investissement

Premier volet, l’investissement. Le gouvernement annonce 6 milliards d’euros de fonds d’investissement sur cinq ans, destinés au patrimoine immobilier, aux équipements lourds et aux systèmes d’informations. Ces fonds doivent bénéficier à tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés. Mais l’état ne finance que 30 % de la somme. Aux hôpitaux de trouver les 70 % restants, grâce à la structure mise en place pour l’occasion, la Mission nationale d’appui à l’investissement. Personne ne semble se préoccuper du remboursement des sommes prêtées… Enfin, le gouvernement prévoit que le secteur privé devienne un acteur de premier plan dans la construction des établissements de santé, en permettant à des sociétés d’économie mixtes de participer aux investissements – avec quel type de retour, mystère – et aux entreprises privées de construire en lieu et place des établissements.

Tarification
de l’activité

Deuxième volet, la tarification de l’activité. Le gouvernement a décidé d’« harmoniser » le mode de financement des hôpitaux publics et des hôpitaux privés participant au service public (HPSP). Jusque-là, ils recevaient une enveloppe globale. Désormais, ils se verront allouer chaque année, comme les hôpitaux privés, une somme en fonction du volume des pathologies traitées. C’est la porte ouverte à des choix préjudiciables pour la santé publique : les établissements seront tentés de privilégier les soins « rentables » et de laisser de côté les patients qui « coûtent plus » : personnes âgées, précaires, personnes souffrant de pathologies multiples, etc. à terme, les établissements « non rentables », car trop petits pour s’équilibrer, vont disparaître, à l’instar des maternités. Le ministère a déjà inscrit dans ses tablettes que cette mesure entraînerait la fermeture de 200 établissements publics sur 1 000.

Nouvelle
gouvernance

Dernier volet enfin, la nouvelle gouvernance : elle a pour but d’imposer à l’hôpital public le mode de gestion des hôpitaux privés. Au nom de la « réactivité », de la « souplesse », de la « rénovation en profondeur de la gestion interne », il s’agit d’instaurer des modes de fonctionnement basés sur la contractualisation, la sous-traitance, tout en pesant pour le regroupement d’établissements publics et privés au sein de même structures.
La réforme « Hôpital 2007 » consacre l’irruption du privé dans l’hôpital public, au détriment des salariés et des patients. Elle intervient dans le cadre d’une opération de plus grande envergure : le démantèlement de notre système de santé. Avec un unique but : ouvrir aux acteurs privés un nouveau champ d’activités où ils feront plus cher, moins bien et sans aucune éthique ce que le service public assurait jusque-là à la satisfaction de la majorité des citoyens.

Caroline Andreani

à savoir

Le champ hospitalier couvre trois types d’établissements : les hôpitaux publics, les hôpitaux privés participant au service public (HPSP) et les hôpitaux privés. En 1998, on dénombrait 4 203 établissements hospitaliers en France : 1 058 établissements publics, 792 HPSP et 2 353 établissements privés.
En 1998, 280 000 personnes étaient accueillies chaque jour à l’hôpital : 78 % dans des hôpitaux publics, 12 % dans des HPSP et 10 % dans le secteur privé.
Entre 1990 et 1999, 146 072 lits ont été supprimés, alors que 1 710 550 malades de plus étaient hospitalisés.
En 2000, le taux de vétusté des hôpitaux publics était de 68,6 % (Comptabilité publique).
En 2002, 11 % de la population adulte interrogée déclarent avoir renoncé au moins une fois à des soins de santé pour raison financière (enquête du CREDES).
Les dépenses de santé en France atteignent 9,5 % du produit intérieur brut contre 10,7 % en Allema-gne, 10,9 % en Suisse, 9,7 % au Canada et 14 % aux États-Unis, pays où la moitié de la population n’a pas accès à des soins convenables !
Les récentes enquêtes qui comparent les systèmes de santé dans le monde montrent que les systèmes publics sont plus efficaces que les systèmes privés. Quant aux coûts administratifs, ils peuvent être jusqu’à 15 fois supérieurs !
En décembre 2003, le ministère français de la Santé et la Banque européenne d’investissement signaient une déclaration d’intention pour que la BEI puisse s’associer à l’état français dans le cadre des fonds d’investissement pour la modernisation du parc hospitalier. La BEI a annoncé qu’elle consacrerai 500 millions d’euros dans le cadre d’« Hôpital 2007 »…
D’ici 10 ans, plus de la moitié du personnel titulaires de la fonction publique hospitalière partira en retraite. Si « Hôpital 2007 » s’applique, les nouveaux embauchés seront de droit privé.