Le Manifeste - N° 4 - Mars 2004

 

Éditorial

La droite contre les salariés

La politique que mène la droite depuis deux ans n’est pas la simple aggravation des politiques précédentes. S’il est indéniable que les cinq ans de gauche plurielle ont largement préparé les évolutions que l’on observe, il est non moins vrai qu’un nouvel étage de la fusée a été allumé. Quelle fusée ? Celle qui prétend mettre définitivement en orbite le libéralisme, c’est-à-dire assurer la domination sans partage du capitalisme financier sur l’ensemble de la vie économique et sociale, dans le cadre d’une démocratie affaiblie par le plébiscite de 2002. Quelles qu’en soient les circonstances, un plébiscite n’est jamais porteur d’avancées démocratiques et sociales.
La droite agit sur plusieurs axes qui touchent fondamentalement le monde du travail et les milieux populaires. La déstructuration sociale est certainement celui qui frappe le plus rapidement et le plus violemment le monde du travail : retraites, sécurité sociale, précarité, droit de grève, code du travail, tout y passe. La recomposition de la société, ensuite, touche durement les milieux populaires : d’un côté il y a la criminalisation de la misère et de la pauvreté, l’incitation aux replis communautaires, de l’autre, l’enfermement sécuritaire. L’abandon des missions républicaines de l’état constitue le troisième axe : logement, santé, éducation, le délabrement s’accélère avec pour conséquence pernicieuse le désintérêt des Français pour la politique. Enfin, l’Europe parachève le tableau.
Il y a quelques années, il était de bon ton de se demander si le grand marché européen était un cheval de Troie pour les intérêts américains, ou l’expression d’une hégémonie du capitalisme européen. La réponse apparaît aujourd’hui bien claire : les deux. Le capitalisme financier est gagnant sur toute la ligne. L’industrie est à sa botte. Toute velléité de définir une politique industrielle est systématiquement étouffée dans l’œuf avec les conséquences que l’on sait sur l’emploi. Bruxelles veille, dans le cadre d’un consensus entre la droite libérale et la sociale démocratie dont l’axe franco-allemand est un parfait exemple. En matière industrielle, l’Europe a remis le pétainisme au goût du jour.
La politique industrielle se résume en deux mots : productivité et délocalisation, ainsi qu’un résultat : le profit. L’argent circule à la vitesse d’un mail sur internet. Plaçons-le là où il rapporte le plus, c’est-à-dire là où les rapports de forces sont les plus défavorables aux travailleurs, là où, misère aidant, les peuples sont les plus vulnérables, là où les états ont le moins de comptes démocratiques à rendre ! Quand la droite française et la sociale démocratie disent qu’elles veulent rendre notre pays plus compétitif, il faut entendre : le plus soumis possible à la loi du marché.
Le capitalisme industriel se nourrit de l’exploitation de la force de travail et il élève le niveau des forces productives. Le capitalisme financier est un cancer qui ronge l’industrie et gangrène la société pour enrichir la classe des possédants. Le virage libéral a été inauguré au milieu des années 1970 par Giscard, pour ce qui concerne la France. Aucune politique n’est venue depuis lors contrarier ce parcours. La droite et la sociale démocratie poussent les feux. Les combattre efficacement aujourd’hui exige une mise en cause révolutionnaire de la domination financière.
 

Francis Combes, André Gerin, Freddy Huck