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Le Manifeste - N° 3 - Janvier 2004
Le grand leurre
Le débat sur l’école
On sait à quoi s’en tenir quant à l’intérêt du « grand débat sur l’école » qui a eu lieu en décembre. Les écrits et prises de positions ont été très nombreux avant et pendant sa tenue. Tout le monde sait bien, ses organisateurs en premier lieu, que les dés étaient pipés et qu’il s’est agit d’un leurre destiné à faire croire à l’opinion publique que le gouvernement est à l’écoute du pays.
Le grand débat sur l’école initié par le gouvernement s’est
tenu en décembre. Sur la forme : 6 petites heures de débats impliquant
enseignants, parents et toute personne, association ou entreprise intéressées,
pour discuter de l’avenir de l’institution scolaire !
Les rapporteurs des discussions dans chaque lieu n’étaient pas tenus d’en faire
un compte rendu aux participants et ont dû transmettre les synthèses par
Internet en un temps record sur un format réduit (pas plus de 2 pages). Bravo
pour la transparence !
Sur le fond : En fait, les décisions importantes étaient déjà prises on en voie
de l’être. Quelques jours avant l’ouverture du « grand débat », la
décentralisation des personnels ouvriers et administratifs a été votée au
Parlement alors que son refus avait été un des axes forts du mouvement du
printemps 2003. D’ailleurs, aucune des 22 questions soumises au débat ne fait
allusion à la condition de ces personnels. De plus, la nouvelle loi
d’orientation qui devra remplacer la loi « Jospin » de 1989 serait déjà en cours
de rédaction et les aménagements demandés à la suite du « grand débat » ne
porteraient que sur des points secondaires.
Le savoir devient une marchandise
En réalité, les orientations fondamentales sont définies depuis
longtemps, le cadre est fixé. C’est celui de l’Europe de Maastricht et de l’OMC.
Il faut adapter tous les systèmes scolaires européens aux besoins de ce
capitalisme pour les 20 ans qui viennent.
Il s’agit de faire entrer partout la loi du marché, pour réaliser le plus de
profit possible à court terme. Le savoir devient une marchandise comme une
autre.
Pour cela il faut casser les systèmes d’État, installer des systèmes régionaux,
établir la concurrence et privatiser tout ce qui peut rapporter.
Cela se traduit, dans le système éducatif public français, par la marche forcée
vers une deuxième, voire une troisième décentralisation, conduisant de fait à
une privatisation. Des personnels dans un premier temps, puis des diplômes, à
commencer par les diplômes professionnels.
C’est impératif, les obstacles doivent être balayés. Le principal obstacle étant
les personnels, il faut les mater. D’où la répression hargneuse des grévistes du
printemps avec les retraits de salaires massifs.
Les programmes pourraient être allégés dans les établissements des quartiers
« défavorisés » (quartiers prolétaires) et on ferait sortir avant 16 ans les
élèves en difficultés des collèges pour les livrer au patronat sous couvert
« d’alternance ».
Tout cela bien sûr en continuant à subventionner largement l’enseignement privé.
Ces quelques exemples parmi beaucoup d’autres montrent qu’il ne faut pas avoir
d’illusion sur la conclusion à venir du « grand débat ».
Certes, y avoir participé est positif pour le contact, même réduit, entre
parents et enseignants, pour les idées échangées, mais le champ de bataille est
ailleurs. Il est dans les luttes syndicales à poursuivre et à diversifier, après
analyse des actions du printemps. Il est dans les combats politiques, dont le
nôtre, pour réouvrir le chantier de la définition d’une autre école au service
d’une autre société.
Pierre Pignot