debout les damnés de la terre |
Le Manifeste - N° 3 - Janvier 2004
Une alchimie douteuse !
(Suite)
Bruxelles recule devant l’industrie
chimique
L’industrie chimique européenne occupe la première place dans
le monde devant les États-unis avec un marché annuel de 385 milliards d’Euros et
1,7 millions d’emplois. Près de 30 000 produits chimiques sont commercialisés
actuellement en Europe mais, pour la plupart d’entre eux, on ne connaît pas
leurs effets néfastes sur la santé et l’environnement (3 % seulement de la
production sont actuellement sous surveillance).
Pour y remédier, la Commission européenne a proposé un nouveau système fondé sur
« le renversement de la charge de la preuve » et sur une base de données
contenant des informations fournies par les entreprises, le projet Reach.
L’encre de ces propositions était à peine sèche que les industriels de la chimie
se sont livrés à un lobbying intense auprès de la Commission, des gouvernements
et des parlementaires : le coût élevé, l’absence du risque zéro, les risques de
délocalisation et de suppression d’emplois. Dans certains pays (Allemagne,
Grande-Bretagne, Italie), ils ont même réussi à faire signer des déclarations
communes par les syndicats
De leur côté, les organisations syndicales ont reproché à la Commission de les
avoir totalement ignorées alors qu’elles réclamaient un renforcement du rôle des
comités d’hygiène et de sécurité dans le secteur de la chimie.
Le profit d’abord
Relayant les demandes des industriels, qui avaient obtenu une
intervention directe de Jacques Chirac, Gerhard Schröder et Tony Blair, la
Commission a revu sa copie et assoupli le texte. Au lieu des 30 000 produits
prévus, le projet n’en concerne plus que 10 000. Le coût pour l’industrie
chimique ne serait plus que de 2,3 milliards d’Euros sur onze ans (cela
représente moins de 0,1 % de son chiffre d’affaires), soit une réduction de 10
milliards par rapport aux estimations initiales. Une fois de plus, le profit a
prévalu sur la protection de la santé et de l’environnement.
Mais le débat n’est pas clos. Pour être mise en œuvre, cette nouvelle
législation doit être approuvée par le Conseil des ministres et le Parlement
européen. Le mouvement syndical et associatif aurait donc tout intérêt à
développer les actions pour mieux faire prendre en compte la protection de
l’environnement et des consommateurs ainsi que les droits des salariés.
Kilian Merac