le genre humain |
Le Manifeste - N° 2 - Décembre 2003
Contre l’oubli
Des manifestations aux rassemblements qui ne gênent même plus la circulation, la solidarité avec les luttes menées par les migrants est pourtant toujours nécessaire.
La brutalité des attaques sociales depuis quelques années, et
plus particulièrement ces trois dernières, condamne les militants à être sur
tous les fronts.
Plus de repos pour les braves !
De manif en manif, de FSE en AG, de comité en coordination, on finirait presque
par se prendre pour des « mercenaires » de la protestation !
C’est ainsi qu’en chemin on perd des troupes et des objectifs tant il est
difficile de « mobiliser » sur tous les fronts.
Parmi les causes qui ont bénéficié de larges mobilisations de soutien et de
contestation, il y eut « les sans papiers ».
Aujourd’hui, les manifestations ne sont plus que des rassemblements qui ne
gênent même pas la circulation. Loin de moi l’idée de culpabiliser qui que ce
soit ; j’avoue mon essoufflement. Je sais qu’il n’est pas de bon ton de passer
pour pessimiste, mais rappelons-nous Gramsci et son « pessimisme de la
lucidité » pour mieux retrouver « l’optimisme de la raison ».
Les quotas justifient
la répression
Au compte de la lucidité, versons le peu d’intérêt politique
que semble représenter la question de la migration de l’homme noyée dans une
défense confortablement bourgeoise des « droits humains » théoriques. C’est vrai
que ce n’est pas là que l’on va récolter des bénéfices politiques directs, sauf
pour ceux (celui ?) qui mettent en place une approche essentiellement utilitaire
et sécuritaire de l’immigration ! Les quotas justifient la répression. Moins
cynique mais tout aussi insupportable est le fait que les priorités
d’aujourd’hui deviennent si nombreuses qu’elles relèguent celles d’hier au rang
des maladies chroniques du capitalisme.
La question n’est pas simple car on sait bien que ce mouvement des hommes est
perpétuel. Mais, pour autant, sa répression n’a rien de fatal.
Au compte de la raison, versons la cohérence de l’analyse critique du
capitalisme et de ses effets sur l’économie, sur les droits sociaux et les
droits fondamentaux. Est-il encore besoin de développer ici ce que représente
comme main-d’œuvre « flexible » à souhait la main-d’œuvre clandestine ? Faut-il
encore argumenter sur l’hypocrisie des États riches quant à la soi-disant
coopération avec les pays pauvres qui n’est le plus souvent que de la domination
néo-coloniale, sur l’image paradisiaque de la consommation que les pays riches
envoient à des fins mercantiles au Sud ?
Que dire qui n’ait déjà été largement démontré, que l’immigration se fait
surtout de pays pauvres vers pays pauvres, que ce n’est jamais au détriment de
l’économie ou de la culture…
La question de l’immigration :
une priorité
En revanche la « chasse à l’étranger » (rendue plus efficace
par les charters européens) fût-il en situation administrative irrégulière est
néfaste pour nos sociétés.
Parce que la violence ne se dilue pas dans le déni, ni dans le temps.
Parce que le poids de la culpabilité justifiée d’une société qui « laisse
faire » ou ferme les yeux sur ses crimes se retourne contre elle-même.
Parce que laisser s’abaisser le seuil d’humanité dans le traitement dégradant
que l’on réserve à l’homme nous rend coupables et responsables de tous les
autres crimes.
Au compte de l’action : rappelons que certains se battent toujours et encore
contre les expulsions, pour la régularisation avec carte de travail, pour une
autre répartition des richesses dans le monde, contre une Europe forteresse et
pour le droit de vote et d’éligibilité de tous les étrangers. Remettons dans nos
priorités et dans toutes nos luttes (syndicales, sociales, politiques,
nationales, européennes ou anti-mondialistes) la question de l’immigration.
Au compte de la passion, versons le rêve secret de chacun : aller voir l’horizon
pour vérifier que nous sommes libres comme l’oiseau en vol.
Aline Pailler