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Le Manifeste - N° 2 - Décembre 2003
Madagascar
Entourloupe libérale
Si la juste revendication du
« changement » s’imposait massivement en 2001-2002 à Madagascar face au régime
autocratique, libéral et corrompu de Ratsiraka (qui a fait régresser cette île
jusqu’à faire partie des dix pays les plus pauvres du monde, avec un revenu
annuel par habitant de 250 dollars), elle s’est laissée instrumentaliser par une
équipée populiste de rechange qui a fini de dévoiler son visage réactionnaire.
En attisant et laissant jouer les luttes pour le pouvoir (y compris à travers
leurs dérives ethnicistes) entre fractions dirigeantes pendant cette crise, tout
en les contrôlant « de loin », l’impérialisme a réussi le tour de force de
réaliser une réorganisation tendancielle du procès néo-colonial inaboutie en
vingt ans d’ajustements structurels ravageurs et de plus en plus renforcés sous
l’égide des institutions financières internationales.
Le magnat de l’agro-alimentaire, Ravalomanana, est président. C’est un
libéralisme tout crin qui s’affiche. Le « développement rapide et durable »
(surtout « rapide » !) est le slogan mis en avant pour déréglementer à tout va
l’activité productive et les accumulations capitalistiques, pour accentuer le
démantèlement des services publics de santé et d’éducation, réactiver le train
des privatisations et permettre l’accès des investisseurs étrangers à la
propriété foncière.Mais, pendant que l’extraversion renforcée de l’économie
avance à grands pas et alors qu’une flambée du niveau d’endettement du pays est
prévisible, les effets du désastre économique et social généré par la longue
crise politico-électorale de l’an passé sont toujours là : usines fermées,
marasme des activités dérivées, emplois non retrouvés, chute du pouvoir d’achat,
baisse des revenus paysans, précarité sanitaire des couches populaires etc. Il
est vrai que le nouveau cours libéral actuel, qui prend le relais du précédent,
se déploie avec le soutien du même puissant conditionnement religieux, voire
intégriste. Mais l’état de grâce dont a bénéficié la nouvelle direction malgache
semble arriver en fin de course…
Jean-Claude Rabeherifara