la terre n’appartient qu’aux hommes

Le Manifeste - N° 2 - Décembre 2003

 

Nouvelle loi de
compression sociale
Combattre les accords de méthode

Le gouvernement a décidé de suspendre l’application de la loi de modernisation sociale pour favoriser des accords de méthodes pour les restructurations. Une grave atteinte au droit du travail et au rôle des représentants des salariés.

Le gouvernement Raffarin n’y va pas par quatre chemins pour remettre en cause tous les droits des salariés. Alors que les restructurations et les suppressions d’emplois vont bon train depuis le retour de la droite au pouvoir, le patronat s’appuie sur le gouvernement pour interdire toute possibilité de résistance. La loi relative à la négociation sur les restructurations adoptée par le Conseil des ministres tente de retirer aux salariés toute possibilité de contester les licenciements.
Depuis 1982, les représentants des salariés ont acquis le droit de contrôler le bien fondé des mesures de réorganisations des entreprises. L’employeur est ainsi contraint de justifier les motifs économiques de telles ou telles décisions de restructuration. Et le comité d’entreprise a la possibilité de contrôler ces motifs ainsi que les mesures proposées avec le soutien d’un expert-comptable de son choix.

Moyens d’intervention
dans la gestion

Les luttes de 2001 (notamment Mark et Spencer, Danone, Moulinex, Daewoo…) avaient conduit le gouvernement Jospin à légiférer sur des dispositions limitant les licenciements boursiers. La « loi de modernisation sociale » (LMS) amenait des avancées importantes, particulièrement une nouvelle définition du licenciement économique et des droits nouveaux pour les institutions représentatives du personnel. Cette loi ouvrait alors des possibilités pour contrecarrer les stratégies patronales. Déjà à ce moment, le 14 janvier 2002, juste avant la promulgation de la loi, le Conseil constitutionnel censurait et annulait la nouvelle définition législative du licenciement économique pour « atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ». Pourtant même si la LMS n’allait pas assez loin, elle donnait aux salariés les moyens d’intervention dans la gestion des entreprises.
Une des premières tâches de Fillon a été de la suspendre pendant dix-huit mois (à compter du 4 janvier 2003). Le texte sur les restructurations suspend sept articles de la LMS. Et bien sûr il s’agit des articles qui instituaient expressément pour le comité d’entreprise, un droit en cas de restructuration et de compression d’effectifs, de faire une ou plusieurs propositions alternatives et un droit d’opposition accompagné de la saisine d’un médiateur. Ainsi, la LMS interdisait d’ouvrir les négociations sur les mesures sociales (livre III) avant d’en avoir fini avec le livre IV sur les justifications économiques. Dans de nombreux cas, ces dispositions ont permis de réduire l’ampleur des réductions d’effectifs et même de les annuler complètement comme cela a été le cas chez Miko et Nestlé France.
Pour remplacer ces textes, le gouvernement prévoit l’ouverture d’une négociation au niveau national interprofessionnel entre le Medef et les confédérations syndicales et dans les entreprises entre la direction et les syndicats sur les restructurations. On reconnaît là l’un des credo du patronat : la convention est préférable à la législation.

Mise en cause
du droit au travail

Les débats sur la légitimité des licenciements seront vite expédiés. Des accords dits de « méthode » pourront être négociés permettant ainsi des procédures simplifiées de licenciements qui seront valables même s’ils sont moins favorables aux salariés que la loi et c’est malheureusement souvent le cas. La signature d’un accord de méthode enfermera la procédure dans un calendrier pré-établi pour l’ensemble de la procédure intégrant la négociation programmée des mesures d’accompagnement. « Comment apprécier la pertinence du plan social et son efficacité pour éviter des licenciements, s’il n’est pas discuté de la situation économique réelle de l’entreprise, de ses perspectives invoquées par l’employeur, des mesures économiques qu’il envisage de prendre, et des alternatives qui pourraient être mises en œuvre pour éviter des licenciements ? » souligne Christophe Baumgarten, avocat spécialisé dans le droit du travail. Il s’agit ni plus ni moins, sous couvert de dialogue social, de s’aligner sur la gestion et de participer à la mise en œuvre des décisions dans le cadre imposé par le système capitaliste. « L’expérimentation » de cette méthode pendant deux ans qui devrait se traduire dans une loi vers la fin 2004 remet fondamentalement en cause des acquis du Code du travail et au-delà le droit du travail.
Les accords de méthode visent à modifier le rôle du mouvement syndical pour en faire un cogestionnaire de la stratégie des groupes pour accompagner les restructurations. « Désormais, précise Christophe Baumgarten, les organisations syndicales, sans disposer de la moindre parcelle de pouvoir dans les décisions de gestion qui auront conduit aux suppressions d’emploi, sans être co-décideurs dans la décision de licencier, en deviendront co-responsables. »
On voit bien la logique de ces mesures qui en escortent d’ailleurs d’autres : l’accompagnement des licenciements pour la recherche du profit maximum pour les entreprises. Plus cyniquement, Denis Gautier-Sauvagnac du Medef le confirme : « Dans un monde d’incertitudes, nous avons rejeté cette idée qu’un salarié puisse être bardé de certitudes ».
Face à de tels projets, la seule solution possible est la mobilisation des salariés pour combattre les licenciements et défendre les emplois.

Patricia Latour