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Le Manifeste - N° 2 - Décembre 2003
Une cuisine qui ne fait pas recette
Un budget qui abaisse la République
Le budget 2004 ne respectera pas le pacte de stabilité. Malgré tout, il s’inscrit dans une logique bien rôdée : faire payer les couches populaires.
Les communistes, adversaires résolus du libéralisme, exigent
bien évidemment que la collectivité nationale ne se prive d’aucun moyen
d’intervenir pour répondre aux besoins populaires. C’est pourquoi ils regrettent
l’époque où la pression populaire et l’existence d’un puissant camp socialiste
contraignaient les gouvernements bourgeois à utiliser à cette fin le déficit du
budget : ce qu’on appelle une politique budgétaire.
Celle-ci implique que l’objectif soit l’emploi et la croissance de la
production. L’équilibre du budget et la stabilité de la monnaie devant
s’adapter. C’est évidemment mieux que le contraire. Le déficit budgétaire ne
pose donc aucun problème de principe. Celui du budget 2004 n’est pas en soi
scandaleux. On sait qu’il passe outre les règles de Maastricht (rebaptisé pacte
de stabilité) : 3 % du Produit intérieur brut, la production totale du pays.
Idéologie libérale aux commandes
Les libéraux maastrichtiens poussent des hauts cris. Ils sont
relayés par le Parti socialiste. Leurs proclamations idéologiques n’expriment en
rien le souci de la croissance et du bien-être de la majorité des Français. Pour
eux, agir au Parlement pour modifier vraiment recettes et dépenses de l’état,
c’est toujours dangereux. Car le peuple pourrait exiger des dépenses plus utiles
et des impôts plus justes. Des questions épineuses pour lesquelles il vaut mieux
des règles abstraites qu’un débat démocratique. Quels sont leurs arguments ? Le
déficit ferait monter les taux d’intérêt. Ceux-ci sont à 2 %, le niveau de
l’inflation. La monnaie en serait affaiblie. Or, l’euro fait la nique au dollar
et se porte comme un charme, pardon, comme la Porte de Brandebourg. Les marges
de manœuvre existent et il est urgent de les utiliser. La stagnation de la
production envoie chaque mois des milliers de français à l’ANPE.
Certes, le déficit budgétaire accroît la dette publique. Ce n’est pas nouveau.
En trente ans de crise, les différents gouvernements ont massivement emprunté et
l’endettement de l’état frise les 950 milliards d’euros. C’est plus de 60 % du
Produit intérieur brut. Une autre ligne rouge de Maastricht est ainsi franchie.
Le bas niveau des taux d’intérêt permet de la financer sans souci immédiat. Mais
il n’y a aucune raison qu’une part croissante des impôts serve à alimenter les
rentiers, créanciers de l’État. D’ailleurs, le déficit apparent cache un
excédent hors dette qui réduit la demande globale et donc l’activité économique.
Enfin, tant que l’environnement impérialiste perdure, il est dangereux de
dépendre de la finance internationale. Sur-endettée, l’Argentine a basculé dans
le sous-développement. La France n’en est pas là. Mais accroître la dette ne
peut se faire qu’à court terme et pour relancer une croissance défaillante. Ce
n’est évidemment pas le choix de Chirac et Raffarin. Ils donnent la priorité aux
dépenses de sécurité : police (+ 5,07 %), justice (+ 4,9 %), armée (plus gros
budget d’investissement).
Et les besoins sociaux ?
Les luttes du printemps et la canicule de l’été avaient
pourtant montré l’ampleur des besoins sociaux, notamment dans la santé ou
l’éducation (le plus gros des budgets en fonctionnement qui augmente à peine
plus que l’inflation…). On a beaucoup parlé des suppressions de crédits pour les
transports publics urbains. Elles ont provoqué la protestation publique… d’Alain
Juppé. Quant au logement, c’est une baisse de 6,8 % qu’a annoncée Gilles de
Robien. Ces chiffres ont provoqué la protestation de l’ex-Union HLM dirigée par
Delebarre et des députés de gauche. Ceux-ci seraient plus crédibles si la
construction de logements sociaux n’avait pas touché un minimum historique en
2001 !
Mais c’est bien évidemment la baisse programmée de l’impôt sur le revenu qui
donne à ce budget son caractère thatchérien, comme dit A. Bocquet. Le contexte
français aggrave cette offensive de casse ouverte. Avec 45 millions d’euros en
2002, l’impôt sur le revenu ne représente que moins de la moitié de la TVA.
Entre les deux, il y a la CSG à 62. Depuis des décennies, dans ce pays, les
pauvres payent plus d’impôts que les riches. Avec la « décentraffarination »,
cela risque de s’aggraver. Les impôts locaux sont en effet parmi les plus
injustes. Déjà le transfert de l’APA, prestation versée aux personnes âgées
dépendantes, a provoqué la hausse des impôts départementaux.
Les couches populaires ne sont pas les seules lésées. En témoigne une grogne
sociale diffuse qui, des buralistes aux étudiants, parcourt le pays. Car le
budget Chirac-Raffarin affaiblit l’État et abaisse la République !
Olivier Rubens