debout les damnés de la terre

Le Manifeste - N° 2 - Décembre 2003

 

Railleries européennes
La SNCF appartient à la nation

Il y a quelque temps, Europe 1 citait un reportage interne de la SNCF qui faisait ressortir que, dans leur majorité, les cheminots voyaient l’Europe comme une chance. Cette enquête a dû être faite auprès des membres de la direction car les cheminots sont, dans leur grande majorité, fermement opposés aux décisions prises sur le plan communautaire pour accélérer l’ouverture à la concurrence. Pour eux, l’Europe est plus un cauchemar qu’une chance !

En acceptant une ouverture partielle à la concurrence, le gouvernement Jospin avait mis le doigt dans l’engrenage et préparé le terrain pour aller plus avant. Il avait d’abord refusé d’abroger, comme il s’y était engagé, l’établissement public Réseau ferré de France (RFF). Puis, en décembre 2000, il avait donné son aval à l’accord du Conseil des ministres des Quinze pour l’ouverture du transport international de fret en deux étapes, 2003 puis 2008.

Concurrence…

Jugeant que le processus n’était pas assez rapide, la Commission européenne avait refusé de tirer les leçons des échecs de la libéralisation en Grande-Bretagne (*), et proposé d’accélérer l’ouverture à la concurrence, notamment pour le transport national du fret en 2006. En octobre 2003, la majorité sociale-démocrate et démocrate-chrétienne du Parle-ment européen a jugé cette ouverture insuffisante et demandé qu’elle s’applique dès 2006 au fret, mais aussi dès 2008 au transport des voyageurs. Elle a même ouvert la possibilité pour les candidats autorisés (même si ce ne sont pas des entreprises ferroviaires) d’utiliser les réseaux ferroviaires. C’est la libéralisation totale du secteur ! Le dossier est maintenant examiné par les gouvernements.
La mobilisation des cheminots et des usagers est indispensable pour faire échec à ce projet dont la mise en oeuvre se traduirait par des dizaines de milliers de licenciements, la casse du statut, la diminution de la sécurité, la remise en cause du service public. Les dockers et les personnel des ports de toute l’Europe viennent de faire échec à une directive européenne de libéralisation. Cette victoire est un point d’appui pour relancer la lutte des cheminots. Ils viennent de donner l’exemple en Autriche par de puissantes grèves et manifestations contre la privatisation.

…et offensive conjointe

En même temps, la direction de la SNCF et le gouvernement français préparent une offensive contre les cheminots, notamment par la baisse du budget transports de plus de 4 % en 2004, la mise en place du plan Starter et la poursuite de la filialisation dans de nombreux secteurs d’activité. Les grandes déclarations sur le plan Fret ne visent qu’à masquer les coups portés aux salariés, notamment par la suppression de postes et d’emplois, et la réforme de l’organisation de la production pour augmenter la productivité et équilibrer les comptes.

Le rail,enjeu de société

Effectivement, ces dernières années, dans le domaine du transport du fret, le rail a constamment perdu du terrain face à la route : en 1980, la route transportait 98 milliards de tonnes-kilomètres et le rail 64,8 ; en 2003, ces chiffres devraient passer respectivement à 275 pour la route et seulement 46 pour le rail. La revitalisation du rail est indispensable pour offrir une alternative au tout routier dont les nuisances pour l’environnement et les dangers qu’il représente pour la sécurité ont dépassé la limite du supportable. La libéralisation n’est pas la solution.
Il faut mener une véritable politique des transports, débattue avec les cheminots, les usagers et les élus, fondée sur le développement du service public et sur des coopérations européennes et internationales, favorisant des transports de qualité, accessibles au plus grand nombre, respectant l’environnement et créant des emplois. En novembre-décembre 1995, cheminots et usagers disaient tous ensemble avec force : « La SNCF appartient à la nation ».
Ce mot d’ordre est plus que jamais d’actualité !

Kilian Merac

(*) C’était l’objet du film de Ken Loach, The Navigators ; en 1998, le ministre des Transports britanniques déclarait : « Nos chemins de fer privatisés sont une honte nationale, avec des services moins bons, de mauvaises performances, des tarifs plus élevés, malgré des subventions deux fois plus élevées ».