DECRETONS LE SALUT COMMUN

Le Manifeste - N° 1 - Novembre 2003

 

Faire œuvre salutaire

L’attitude du PCF concernant les trois élections qui se tiendront l’an prochain n’est toujours pas déterminée de manière précise. Présentera-t-il ses listes propres aux Régionales ? En se battant pour être lui-même, le PCF se battra pour lui et pour la gauche.

Le PCF présentera-t-il ses propres listes aux élections régionales ou se fondra-t-il dans des listes de gauche avec le parti socialiste ? Dans un récent « matériel de communication » de la direction, on peut lire que « les communistes tiennent actuellement des conférences régionales pour débattre de […] leurs stratégies électorales » L’usage du pluriel est savoureux, non qu’il rappelle la défunte gauche du même nom, mais plutôt en ce qu’il laisse entendre qu’un parti politique pourrait avoir plusieurs stratégies simultanées. On est tenté de dire qu’en matière d’opportunisme, c’est là un cas d’école. Mais on admet que le mot est aujourd’hui un peu désuet.
La réalité de ce qui se passe en ce moment au PCF s’avère sans doute plus probante. Celle-ci ressemble à un triptyque. Sur un premier panneau, on voit Marie George Buffet arrivant bras dessus bras dessous avec le maire socialiste de Lyon, Gérard Collomb, à un forum citoyen dans un quartier populaire de la ville. Afin que le message soit clair, on a fait donner de la voix dans le journal local, Le Progrès, à l’ancien communiste Maurice Charrier qui tonne : « Le PCF doit rompre avec la tendance Gerin », lequel Gerin se prononce pour la constitution de listes autonomes du PCF.

Une politique franchement anti-capitaliste et anti-libérale

Sur le second panneau, on voit le président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, Alain Bocquet, annonçant qu’il conduira une liste communiste dans la région Nord-Pas de Calais, ainsi que Maxime Gremetz, faisant la même proclamation pour la Picardie.
Enfin sur le troisième panneau, on voit le collectif national pour « redonner ses couleurs au PCF » faisant signer une pétition aux militants pour demander qu’une consultation nationale des communistes soit organisée sur la question. Cette pétition rencontre un écho auprès d’adhérents et de dirigeants fédéraux qui ne comprennent pas bien pourquoi leur parti devrait ranger son drapeau quand il est manifestement l’heure de le déployer face à une droite particulièrement offensive.
Le nœud gordien est bien là. L’union dès le premier tour peut sans aucun doute permettre de sauver quelques élus. Mais que représente un élu sans base électorale propre ? Quelle politique distincte peut-il prétendre mener ? Quand on est à 3 %, on ne peut pas infléchir le cours des choses au-delà de quelques vétilles. Le constat est raide, mais c’est une règle intangible de la politique.
En présentant des listes autonomes, le PCF prend le risque de ne pas franchir la barre des 5 % dans des régions. Mais en défendant une politique franchement combative contre la droite, franchement anticapitaliste et anti-libérale, fût-ce social libérale, il peut ramener à la gauche des électeurs perdus en 2002.
On peut objecter qu’un calcul à la carte : listes autonomes où l’on est fort et fusion où l’on est faible, pourrait ne pas être une sottise. Sauf que pour mener à bien une telle démarche, il faut une lisibilité politique forte et donc une stratégie nationale claire. André Gerin faisait remarquer à un journaliste qu’il est toujours possible de déroger à la règle. À condition d’avoir une règle.
L’incapacité de la direction du PCF à se donner une stratégie électorale nationale traduit un malaise, en vérité, beaucoup plus grave que la seule crainte de résultats électoraux décevants. Cela traduit une impuissance à porter dans le champ politique une radicalité à la hauteur des enjeux actuels, une impuissance à assumer la culture du parti communiste. Il est certainement plus confortable de se laisser bercer au sein de l’establishment de la gauche.
Pourtant, en se battant pour être lui-même, le PCF peut faire œuvre salutaire. Contre la droite et l’extrême droite. Pour lui et pour la gauche.

Alphonse Bédard