DEBOUT LES DAMNES DE LA TERRE |
Le Manifeste - N° 1 - Novembre 2003
Vous avez dit lutte des classes ?
Aujourd’hui, occuper un emploi, c’est entrer dans le monde des
privilégiés.
Aujourd’hui, conserver un emploi tient du miracle.
Aujourd’hui, on garde les yeux braqués sur les chiffres du chômage, les annonces
de restructurations, de fermetures, de délocalisations, de plans « sociaux », on
se demande comment on pourra régler les traites de la voiture, en espérant que
l’assurance maladie fonctionnera encore si un des gosses tombe malade, que la
retraite permettra autre chose que l’hospice. Merci, la France d’en bas se porte
bien. Aucune raison objective à la « morosité » des Français, qui ne consomment
pas pour emmerder le monde.
Et on ne parle pas des autres qui « bénéficient du système » : chômeurs longue
durée, à la retraite anticipée, qui touchent le RMI ou l’ASS, qui en un mot ont
le toupet de recevoir de l’argent sans rien faire, disent nos saigneurs.
Pendant ce temps-là, les golfs fleurissent. Les villas en bord de mer restent
inoccupées onze mois de l’année. Les yachts s’installent à la Bastille. Les
stars se font et se défont sur fond de plateau de télévision. Les seins, les
fesses, les nez se restructurent dès que la mode change – au moins, ça fait
travailler les chirurgiens. Et la mode est à la teuf : Paris-plage, carnavals,
défilés, nuits blanches, pour occuper tous ceux qui n’ont pas la chance de
bosser et de rester coincés des heures dans les embouteillages.
Ma voisine fait des ménages. Au noir. C’est une délinquante.
Bernard Tapie a détourné de l’argent des banques et de l’OM. Il fait du cinéma,
de la chanson, du théâtre.
Le fils de la concierge cumule deux boulots pour pouvoir acheter des chaussures
aux gamins. Il a beau ne plus tenir debout le dimanche, il triche.
Jean-Marie Messier a creusé un trou considérable à Vivendi-Universal. Il demande
des indemnités d’un montant tel que tous les gens dans ma rue ne gagneront
jamais autant d’argent au bout de toute une vie de labeur.
Le petit cousin de Jean-Louis a piqué un autoradio. C’est un criminel.
Michel Bon a été indemnisé de centaines de milliers d’euros pour avoir
surendetté France Télécoms. Un bon plan pour un bon riche.
Reiser n’a jamais imaginé à quel point on vivrait une époque formidable !
Marie-Catherine Andreani