Le Manifeste - N° 0 - Septembre 2003
Etasuniens Go Home
L'occupation de l'Irak par les Anglo-étatsuniens ne se passe pas
tout à fait comme on aurait voulu le faire croire. Les Irakiens n'ont pas
accueilli leurs « libérateurs » les bras ouverts, loin s'en faut. La résistance
irakienne donne du fil à retordre aux occupants impérialistes et on ne peut que
s'en réjouir. Les médias ne nous parlent que des attentats spectaculaires mais
la résistance est aussi le fait de tout un peuple.
Certains auraient bien voulu nous montrer des scènes d'une foule irakienne en
liesse accueillant les « gentils Américains » venus libérer leur pays. Ils
auront été en reste ; le peuple irakien, non content de ne pas accueillir les
occupants comme il se doit multiplie les actes de résistance.
Subhi Toma, opposant de longue date à Saddam Hussein et militant contre la
guerre et l'embargo dès 1990, était à Bagdad en mai dernier dans le cadre d'une
délégation sous l'égide de l'Unicef. Il y retournait un mois entier en juillet.
Il raconte comment il a découvert l'occupation de son pays : « Je me suis rendu
compte que l'Irak était un pays colonisé en passant la frontière. Je savais bien
sûr que les USA avaient fait la guerre et occupaient l'Irak, mais de manière
abstraite. En passant la frontière, je n'ai plus eu de doutes sur la réalité de
l'occupation ; à l'entrée du territoire irakien, ce sont des GI qui contrôlaient
les passeports. Le chemin qui mène à la capitale (environ 600 km) est par contre
laissé aux mains des bandits de grand chemin. Et ceux qui veulent se rendre à
Bagdad organisent des caravanes de voitures pour ne pas se faire attaquer ».
75 partis politiques
La mafia, qui n'avait pas la possibilité de s'exprimer sous le
régime du Bass s'est reconstituée si rapidement qu'on se demande si cela est
vraiment spontané. « Cocaïne et héroïne ont fait leur apparition et sont vendues
aux soldats étatsuniens, souligne Subhi Toma. Les Américains ont recruté, dans
le cadre de leur déstabilisaiton du régime, des trafiquants irakiens qu'ils ont
coiffé de la casquette d'opposants politiques. Ils sont venus avec l'armée
américaine et ont perpétré les vols et les pillages sous la protection
bienveillante des chars américains. Les Irakiens racontent même comment, pour
une forte somme en dollars, les chars détruisaient complaisamment les devantures
de certains bâtiments publics ou magasins pour aider au pillage ».
Depuis la guerre de nombreuses forces politiques se sont reconstituées. Subhi
toma précise : « Au moins 75 partis politiques occupent des locaux et ont
ouverts des permanences. Beaucoup de journaux circulent. De grandes entreprises
étatsuniennes sont arrivées en même temps que les troupes, avec des capitaux
énormes pour lancer des journaux, des chaînes satellites, etc. Il y a trois
grands pôles politiques, les partis kurdes, les parti chiites et un mouvement
laïc et patriotique qui cherche à émerger. Les partis pro-américains cherchent
des soutiens dans la population. Ils jouent sur les besoins et offrent leur
protection et leur financement. Les partis kurdes de Talabani, Al Chalabi,
Barzani ont énormément d'argent et n'hésitent pas à aider les petites formations
dans l'optique d'une recomposition politique ultérieure. Par exemple, le parti
communiste irakien est soutenu par Talabani. Le Bass, lui, est entré en
clandestinité. Pour le moment, les Américains laissent toutes les formations
émerger et s'exprimer. Ils n'ont sans doute pas encore complètement tranché pour
savoir s'ils favoriseront les partis religieux ou les partis laïcs. » C'est
ainsi que les communistes participent au gouvernement mis en place par les
Américains. « Si d’autres communistes participent à la résistance, le Parti
communiste officiel se comporte comme un parti qui soutient l'impérialisme,
affirme Subhi Toma. Les liens de son secrétaire général avec la CIA avant la
guerre sont connus. Il est nommé au gouvernement - en tant que personnalité
chiite ! - même s'il n'est pas encore membre des 25. En échange, le Parti
communiste a accepté de modifier son programme, notamment en ce qui concerne les
religions et l'impérialisme, le capitalisme. J'ai ramené avec moi un tract du
PCI qui menace d'exclusion tout communiste qui aurait une attitude critique
vis-à-vis de la religion. »
« Bâtards, bâtards »
Mais pour Subhi Toma cela n'empêche pas la résistance de
s'amplifier. Elle est bien sûr composée d'anciens du parti Baas mais pas
seulement. On compte dans ses rangs de nombreux chiites, des kurdes, des
nationalistes, des communistes. Même les enfants sont de la partie. Ils marchent
à hauteur des voitures et disent aux occupants : « Good, good ». On peut penser
qu'il s'agit d'un signe amical, en fait ils disent : « bâtards, bâtards ». Les
soldats étatsuniens sont attaqués toutes les nuits à Bagdad par des résistants.
Depuis mai, deux à trois soldats d'occupation meurent chaque jour en Irak. Tony
Francks lui-même reconnaît 25 attaques par jour.
Comme ce fut le cas en France, en d'autres temps et d'autres circonstances, la
résistance irakienne prend de multiples formes. Bien sûr, il y a les attentats
largement médiatisés comme celui contre l'ONU ou celle de Nadjaf mais on connaît
moins cette résistance qui est le fait de tout un peuple qui désire chasser
l'occupant. « Ce sont ces forces-là, celles qui résistent, conclut Subhi Toma
qui pourront seules reconstruire l'Irak démocratique de demain. Les Irakiens
n'ont pas besoin des USA pour reconstruire une Irak indépendante et souveraine.
Il faut chasser les occupants d'Irak. Pour nous démocrates, il est important
d'organiser le soutien aux forces laïques, démocratiques et patriotiques
irakiennes ».
Patricia Latour